Fleurir local, rayonner global : Hengzhou entre savoir-faire ancestral et innovation

À Hengzhou, dans le sud de la Chine, la culture du jasmin fait vivre une grande partie de la population. Entre traditions séculaires et technologies de pointe, cette ville devenue capitale mondiale du jasmin réinvente son modèle agricole.

Ce jour-là, Yao Yunlian est partie travailler à 7 heures. Dans l’après-midi, elle vérifie les derniers tarifs sur son téléphone via un mini-programme WeChat avant de se rendre au marché vendre sa récolte quotidienne de fleurs de jasmin. Sur le marché, les fleurs fraîchement cueillies s’empilent sur de simples tables. Munis de balances électroniques, des acheteurs assis annoncent leurs prix et leurs offres pour refaire leurs stocks, dans une atmosphère délicieusement parfumée. Nous sommes au marché du village de Shijing, à Hengzhou, dans la région autonome Zhuang du Guangxi. Arrivée chargée d’environ 6,5 kilogrammes de fleurs fraîches du matin, son gain du jour est finalement de 275 yuans (33 euros).

La famille de Yao cultive, cueille et vend elle-même ses fleurs de jasmin depuis des générations. Le matin, ils ont des fleurs entre les mains, le soir, ce sont des yuans. De fin avril à octobre, les agriculteurs passent leurs journées à cueillir des fleurs de jasmin. Selon les autorités locales, plus de 340 000 personnes à Hengzhou sont impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans la culture du jasmin. « Certains agriculteurs récoltent le jasmin pendant la journée et travaillent le soir dans des entreprises voisines, principalement des producteurs de boissons à base de thé », explique Cai Wanhong, chef du village de Shijing, où plus de 1 000 villageois vivent de cette manière.

Une tradition séculaire à l’ère numérique

La culture du jasmin à Hengzhou remonte à plusieurs siècles. Introduite en Chine par l’ancienne route de la soie pendant la dynastie des Han orientaux (25-220), cette fleur a pris racine dans la ville. Selon les autorités locales, Hengzhou qui est aujourd’hui connue comme la capitale chinoise du jasmin, produit plus de 80 % des fleurs fraîches, du thé au jasmin du pays et plus de 60 % de l’offre mondiale. Les champs de jasmin alentour s’étendent sur plus de 86 kilomètres carrés, soit l’équivalent de la superficie de Strasbourg. Les méthodes de production agricole séculaires subsistent, mais elles se sont adaptées. Grâce à une plateforme intelligente développée localement, les agriculteurs peuvent vérifier les prix en temps réel sur quatre grands marchés de la ville et obtenir des conseils de culture à l’aide d’un mini-programme WeChat.

Chen Lufei, directrice générale adjointe de Guangxi Talent Cloud Co, l’entreprise à l’origine de la plateforme, « espère aider chaque fleur de jasmin à s’épanouir grâce à la puissance de l’IA ». Une vaste base de données contenant des millions d’images permet aux agriculteurs de recevoir un diagnostic et un plan de contrôle en quelques secondes, simplement en prenant en photo une feuille malade, par exemple. L’intelligence artificielle est également au service des rendements. Des caméras intelligentes installées dans les champs surveillent l’état des bourgeons chaque jour. Grâce à la reconnaissance d’images, le système identifie les fleurs prêtes à être récoltées. Combiné à des modèles et des données de rendement, il aide également à estimer la production totale de la journée.

Un savoir-faire valorisé à l’international

En 2012, la fabrication artisanale du thé au jasmin a été inscrite sur la liste des projets représentatifs du patrimoine culturel immatériel du Guangxi. Xie Dagao, héritier et maître fabricant de thé, et ses collègues artisans préservent et perpétuent cet art séculaire. Le thé au jasmin connaît un regain d’intérêt auprès des consommateurs. Surfant sur cette vague de popularité, la vente de thé au jasmin de Hengzhou connaît une croissance régulière sur les principaux marchés.

Selon les données des autorités municipales, l’industrie du jasmin de Hengzhou a atteint de nouveaux sommets en 2024. La ville a produit plus de 110 000 tonnes de fleurs fraîches, avec un très bon prix moyen de 50 yuans par kilo. La ville a également produit 90 000 tonnes de thé au jasmin, contre 80 000 tonnes en 2022. Selon Lin Jiashuo, directeur du Bureau de l’économie, du commerce et des technologies de l’information de Hengzhou, cela confirme la position de leader national de la ville, en termes de production mais aussi de qualité.

Les exportations de thé au jasmin atteignent les marchés mondiaux par le biais de canaux directs et indirects, précise M. Lin. Les exportations directes sont principalement destinées au Japon, à la Malaisie et à l’Indonésie, tandis que les exportations indirectes sont réalisées par l’intermédiaire de sociétés commerciales vers des pays comme l’Allemagne, la France et l’Italie. Feng Wenzhen, PDG de Longshengyuan Tea, explique : « Nous exportons toute une variété de produits issus du thé. Nous sommes présents sur les marchés du Royaume-Uni, de l’Australie et un volume important est destiné à certaines régions d’Afrique. D’autres régions comme l’Union européenne apprécient déjà notre thé et bien que les volumes soient encore modestes, nous espérons proposer davantage de thés de qualité supérieure sur les marchés mondiaux dans les cinq à dix prochaines années. ».

Aujourd’hui, Hengzhou ne se contente pas de consolider son leadership dans l’industrie du jasmin : la ville regarde aussi vers l’avenir en renforçant ses liens internationaux. Le 3 juin, elle a signé avec Manosque, en France, une lettre d’intention en vue d’un jumelage. Pour Liao Zhiqi, fonctionnaire de Hengzhou, une telle coopération favoriserait les échanges culturels, touristiques et commerciaux, tout en stimulant les partenariats dans l’agriculture et l’économie. À travers ces initiatives, Hengzhou fait plus que produire du thé : elle tisse des ponts durables entre les peuples, et affirme sa place dans un monde de plus en plus connecté.