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Peindre les mythes du passé

Par Fang Aiqing(China Daily) 08-07-2019

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Peindre les mythes du passé

La couverture du livre d'images Shan Hai Jing (« Classique des montagnes et des mers ») illustrée par Chen Siyu. [Photo fournie à China Daily]

L'illustratrice Chen Siyu prend le pinceau pour aider une nouvelle génération à redécouvrir la beauté de la culture chinoise antique.

Si les créatures mythiques répertoriées dans le Shan Hai Jing (« Classique des montagnes et des mers ») se croisaient avec leurs contreparties occidentales, telles que celles de la série intitulée « Fantastic Beasts And Where To Find Them » (« Les Animaux fantastiques »), par exemple, elles ne seraient pas moins magnifiques - comme cela a été démontré dans le film fantastique « Les Crimes de Grindelwald », quand un zouwu s'est manifesté de manière tout à fait spectaculaire à Paris.

L'ouvrage de mythologie chinoise ancienne, le Shan Hai Jing datant de plus de deux mille ans, décrit le zouwu comme une sorte de très gros félin aussi grand qu'un tigre, multicolore et avec une queue plus longue que son corps, et pouvant parcourir des milliers de kilomètres par jour.

Des archives postérieures suggèrent que la créature se déplacait avec élégance et rapidité. Il avait bon cœur qu'il ne pouvait supporter de marcher sur l'herbe et ne se nourrissait que de carcasses d'animaux morts.

En fait, davantage de films fantastiques, de séries télévisées, des dessins animés et des jeux chinois ont récemment trouvé de l'inspiration du Shan Hai Jing, tandis qu'un nombre croissant de livres illustrés ont été publiés.

Née en 1984, Chen Siyu est l'un de ces illustrateurs qui interprètent la vision des créatures mythiques avec un sens renouvelé de l'imagination et son propre style de peinture tout particulier.

Son livre d'images est un mélange de techniques englobant les éléments modernes et traditionnels, ainsi que les facteurs de l'Orient et de l'Occident.

Outre les avantages académiques présentés par le classique mythique en matière d'histoire chinoise, de coutumes folkloriques et d'archéologie, Siyu valorise surtout la curiosité et l'imagination incarnées par le livre.

« Le Shan Hai Jing a fourni à nous, des lecteurs ordinaires, une perspective alternative du monde et a sitimulé l'imagination de notre tête déjà fourée des connaissances scientifiques et technologiques », déclare-t-elle lors d’un discours prononcé en mai à son alma mater, l'Académie d'art et de design de l'Université de Tsinghua à Pékin.

Peindre les mythes du passé

Chen Siyu, lors d'une conférence qui s'est tenue dans la zone d'art 798 de Pékin le 26 mai, parlant de la manière dont les classiques originales ont inspiré son travail. [Photo fournie à China Daily]

La « Classique des montagnes et des mers » est un recueil de données répartis en 18 fascicules décrivant des domaines tels que la géographie, la botanique, la zoologie, la médecine, la mythologie, ainsi que d'anciens festivals, religions et coutumes folkloriques.

Pas mal de mythologies et légendes chinoises bien connues, comme « Kuafu poursuit le soleil », « Jingwei comble la mer », « Yugong déplace les montagnes », « Yu le Grand maîtrise le déluge », ont été annotées dans le Shan Hai Jing, traduisant dans une certaine mesure l'esprit moral auquel aspiraient les anciens Chinois, à savoir l'ambition noble, la détermination résolue face aux épreuves, l'intrépidité et l'altruisme.

De nos jours, on n'aura pas l'occasion de jeter un coup d'œil sur les versions originales du Shan Hai Jing, ni les illustrations d'origine de la version la plus ancienne restante, qui a été annotée par Guo Pu, érudite de la dynastie Jin (265-420).

Des littéraires des dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911), tels que Yuan Ke, Hu Wenhuan, Wu Renchen et Ma Changyi, ont poursuivi les recherches, les annotations et les illustrations.

Il existait aussi une version graphique dessinée au Japon durant la période Edo (1603-1867).

Le livre d'images de Siyu faisait initialement partie de son programme de fin d'études à Tshinghua en 2006 et s'est ensuite développé à plus de 100 illustrations entre 2013 et 2014.

Peindre les mythes du passé

L'illustratrice Chen Siyu.

Après avoir aperçu un volume dépenaillé de la classique antique dans la librairie universitaire, elle était étonnée de ses mystères. Se sentant vivement interpellée, elle essayait de dessiner un poisson avec des ailles, ce qui marquait le début d'une série qui réinventait ce qui fut évoqué dans ce vieux livre.

On peut voir dans ses œuvres une influence de l'illustrateur britannique Aubrey Beardsley (1872-98), qui reproduisait les détails complexes et amplifiait le contraste entre le noir et le blanc. Ce style est reflété sur la couverture de son livre sur Xiwangmu – personnage légendaire de la mythologie chinoise antique –, ou la Reine-mère d'occident.

Bien que dans certains adaptations littéraires, cinématographiques et télévisées Xiwangmu soit des fois décrite comme belle et tendre – même si elle est écrite dans un rendez-vous galant avec un être humain – dans le livre original, elle est considérée très féroce, et, avec sa queue de léopard et ses dents de tigre, elle incarne les caractéristiques de la prétendue déesse des pestes et des châtiments corporels.

Laissant la queue et les dents de côté, Siyu a essayé de souligner certains de ses traits principaux, tels que les cheveux déchaînés, les yeux qui voient tout et l'apparence humaine séduisante, en traitant la ligne d'une manière conforme à l'esthétique des lecteurs modernes.

L'influence de Beardsley se voit également dans les ornements de cheveux de Xiwangmu, tandis que ses mains et ses gestes empruntent davantage au bouddhisme et que les motifs des nuages sont, selon Siyu, inspirés par le thangka, une forme traditionnelle de peinture tibétaine.

De plus, elle ne rend son ouvrage qu'en noir, blanc et rouge, en grande partie à cause de son amour pour la peinture laquée de la dynastie Han (206 av. J.-C. 220), laquelle fut souvent réalisée avec des pigments de vermillon sur une couche de la laque noire.

Elle accorde une grande attention aux expressions, personnalités et à l'aura de ses personnages, en particulier à l'interprétation de leurs yeux et de leurs poses.

Siyu a aussi relevé le défi des les refaçonner et de les différencier de manière rationnelle et artistique, en tenant compte du fait que le corps de nombreux personnages est souvent un amalgame des qualités humaines et des formes animales avec lesquel le public est familier.

Les illustrations sont là pour refléter et sublimer le sens du texte, dit Siyu.

Peindre les mythes du passé

Peindre les mythes du passé

Des illustrations du livre d'images de Chen Siyu. [Photos fournies à China Daily]

Elle a principalement créé une image mentale des créatures à partir des textes originaux, en éliminant les références aux peintures anciennes, afin de donner aux classiques un regard moderne et frais, dans son propre style de dessin.

« Elle a une riche imagination et ne s'appuie pas tellement sur les références. Tout est dans sa tête », affirme Wang Hongwei, son tuteur à Tsinghua.

Siyu est allée à l'École d'arts visuels de New York pour obtenir son deuxième diplôme de master après avoir obtenu le premier à Tsinghua. Aujourd'hui, la peintre vit en Allemagne.

Avant de se tourner vers les classiques chinoises, elle a travaillé en tant qu'une illustratrice commerciale.

Son livre d'images sur le Shan Hai Jing a été réimprimé à 21 reprises et s'est vendu à 400 000 exemplaires.

L'année dernière Siyu a publié un nouveau livre d'images basé sur Chu Ci (les « Chants de Chu » ou les « Élégies de Chu »), recueil chinois de vingt-cinq élégies ou poésies lyriques, dont les plus célèbres furent composées par Qu Yuan (340-278 avant J-C), grand ète chinois du royaume de Chu qui a vécu au cours de la période des Royaumes combattants. Elle travaille maintenant sur une version graphique de Shi Jing (le « Livre des Odes »), le plus ancien recueil connu de poèmes de la littérature chinoise fut rédigé au 11ème siècle avant J.C., quasiment contemporaine des poèmes épiques de la Grèce antique de L'Iliade et L'Odyssée d'Homère.

« La culture chinoise antique a sa propre attraction unique. Ce que j'ai fait c'est de permettre à plus de jeunes à redécouvrir son charme », selon Siyu.

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