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Quand la mode du café devient la tasse de thé

Par Pan Mengqi(China Daily) 18-01-2019

Quand la mode du café devient la tasse de thé

triage de grains de café dans une exploitation au Brésil. [Li Ming/Xinhua]

Quand la mode du café devient la tasse de thé

Des employés traitant des grains de café sur une chaîne de production en Colombie. [Provided to China Daily]

L’urbanisation à grands pas et les voyages à l’étranger alimentent une demande nouvelle dans les habitudes de consommation.

Pour Zhang Yalin, commissaire aux comptes dans un cabinet comptable de Guomao – le chic quartier central des affaires de Pékin –, la journée de travail commence en attrapant un café latte dans l’immeuble de son bureau. Elle fait partie d’un nombre croissant de personnes en Chine qui ont pris l’habitude de boire du café et qui contribuent à faire du marché de ce breuvage dans le pays celui qui se développe le plus vite au monde.

Si la plupart des Chinois associent le café à des modes de vie occidentaux, ils l’apprécient eux aussi de plus en plus, surtout dans les grandes villes. La consommation de café dans le pays est passée de 26 000 tonnes en 2006 à 128 000 tonnes en 2016.

Wu Jiahang, qui travaille dans le secteur depuis plus de 20 ans, se souvient qu’il y a deux décennies, les Chinois ne savaient pas savourer le café. « Quand je suis arrivé en Chine en 2000, j’ai apporté du café de Colombie comme cadeau, et les gens pensaient qu’il ne s’était pas bien conservé car ils lui trouvaient un goût trop amer », relate M. Wu, qui est né et a grandi en Colombie.

Quand il a été nommé représentant en chef de la fédération colombienne des producteurs de café pour la région Grande Chine, avec pour mission de promouvoir le café en grains de son pays, nombreux étaient les Colombiens, surtout chez les producteurs, qui n’ont d’abord pas cru qu’on pouvait vendre un tel produit en Chine, fait-il remarquer.

Mais en quelques années, la Chine a vu un nombre croissant de pays producteurs commencer à lui vendre du café en grains : il leur fallait être sur la ligne de départ pour s’assurer une part du marché alimenté par une classe moyenne grandissante cherchant à satisfaire ses besoins en caféine.

« Une culture du café se développe en Chine », dit Esther Lau, analyste au sein du cabinet d’étude de marché Mintel. L’urbanisation rapide du pays, et en parallèle l’augmentation du nombre de Chinois voyageant à l’étranger, expliquent la forte expansion de la demande dont jouit le café, précise-t-elle.

La consommation de café en Chine a presque triplé au cours des quatre dernières années et le potentiel de croissance supplémentaire est énorme.

Selon un rapport de l’Organisation internationale du café publié en 2017, la même année, les importations chinoises de café ont augmenté de 16% en année glissante, par rapport à une progression de 2% aux États-Unis, pays le plus grand consommateur de café au monde.

Prenant le café colombien comme exemple, M. Wu indique que la production annuelle, qui était de moins de 400 tonnes il y a 12 ans, devrait dépasser les 2 000 tonnes en 2018.

Quand la mode du café devient la tasse de thé

présentation de cafés du Kenya à l’Exposition internationale d’importation de Chine, organisée en novembre dernier à Shanghai. [Shen Bohan/Xinhua] 

Quand la mode du café devient la tasse de thé

présentation de café jamaïcain Blue Mountain à l’Exposition internationale d’importation de Chine. [Liu Dawei/Xinhua]

Mais la fraîcheur étant un facteur clé, la Colombie n’est pas le premier choix de la Chine en matière de café en grains. La base de données UN Comtrade regroupant les statistiques commerciales internationales révèle que les trois premiers exportateurs de café dans le pays sont le Vietnam, la Malaisie et l’Indonésie. Le Vietnam est le premier exportateur mondial de café robusta, une variété de grains robustes (comme le nom l’indique) présentant une faible acidité et un haut degré d’amertume.

Nguyen Thi Thu Hang, un Vietnamien conseiller principal en évaluation des importations et en renforcement des capacités auprès des petites et moyennes entreprises, signale que les débits de café haut de gamme achètent en général de l’arabica. Toutefois, les grains robusta, qui sont les plus cultivés au Vietnam, sont meilleur marché et souvent utilisés pour produire la poudre du café instantané. Le café en grains vietnamien représente 35% du total importé par la Chine, une part en baisse que M. Hang attribue à une demande de café instantané qui reste forte, notamment chez les employés de bureau pressés par le temps.

La classe moyenne chinoise en forte expansion a pris l’habitude d’acheter et de consommer, dans les débits de café, du latte, du capuccino et d’autres versions du breuvage. La demande, notamment de café frais à boire chaud, augmente avec une consommation en hausse de 22% en 2014. Cet essor a conduit de nombreuses grandes chaînes de distribution de café à ouvrir plus de points de vente en Chine.

« Le mode de vie occidental exerce un attrait sur les consommateurs urbains de la classe moyenne et supérieure », constate Mme Lau. Les principales marques en Chine sont Starbucks, Costa Coffee et McDonald’s, les petites sociétés représentant 25% du marché. À Shanghai, on compte aujourd’hui plus de 6 500 débits de café.

Starbucks, qui a ouvert sa première boutique en Chine en 1999, domine le marché avec une part de 31,5% en 2013. Lorsque son président-directeur général Howard Schultz s’est rendu dans le pays en 2016, il a fait savoir que la société allait ouvrir 500 nouveaux magasins par an à l’horizon 2021, ce qui doublera le nombre de ses points de vente en Chine pour le faire passer à 5 000.

Costa Coffee, une multinationale britannique, prévoit d’ouvrir 900 débits supplémentaires en Chine d’ici à 2020, ce qui lui donnera 1 344 points de vente dans le pays.

Directeur général de Costa Coffee en Asie, Esteban Liang estime que « le fait de se faire voir dans une boutique de café est pour les gens une façon de s’exprimer et de se définir… par les produits qu’ils consomment, l’alimentation qu’ils achètent, le café qu’ils boivent ».

Le café étant encore une orientation relativement nouvelle pour la population chinoise buveuse de thé, les versions laiteuses douces du breuvage, notamment le latte et le mocha, sont les plus demandées. Pour répondre aux goûts chinois, les chaînes internationales de café ont adapté leur carte pour y inclure plus de boissons panachées ou à base de thé. Les spécialités proposées chez Starbucks comprennent un frapuccino au thé vert et aux éclats de café de Java (green tea java chip frappuccino) accompagné d’un gâteau aromatisé au thé vert.

Dans les grandes villes telles que Shanghai et Pékin, où la consommation de café est généralisée depuis plusieurs années, des sociétés indépendantes font aussi leur apparition.

Mais Dave Seminsky, qui tient un café dans le district de Jing’an à Shanghai, affirme qu’il n’est pas question pour lui de satisfaire aux préférences individuelles des clients. « On reste fidèle au café, mais je ne garde pas des paquets de sucre et des réserves de lait à proximité ».

Inciter les clients à changer leurs habitudes constitue l’un des plus grands défis mais en pratiquant sa propre torréfaction, son commerce vise à offrir « une expérience de prestige », commente M. Seminsky en ajoutant qu’une partie du prix d’une tasse de café reflète « l’expérience de la visite de la boutique », car « nous essayons de nous différentier des grandes sociétés ».

Le boum des débits de café indépendants comme celui de M. Seminsky souligne la demande grandissante de café haut de gamme. Alors que la Chine évolue vers une économie axée sur la consommation, les clients recherchent une plus grande variété de breuvages.

Igor Carneiro, chef du bureau de promotion du commerce et de l’investissement à l’ambassade du Brésil à Pékin, indique que son pays vise le marché chinois haut de gamme et espère exporter sa culture de la consommation de café en parallèle avec des produits connexes.

« La consommation de café est inhérente à la culture brésilienne », souligne-t-il en ajoutant que le Brésil s’efforce de cibler le nombre croissant de consommateurs chinois de produits haut de gamme car de nombreux producteurs de café brésiliens sont convaincus qu’un marché restreint génère souvent une valeur supérieure.

Bien que le Brésil fournisse près de 30% du café en grains dans le monde, il ne se situe qu’au 35ème rang des pays exportateurs de café en Chine. La raison tient au fait que le café brésilien souffre d’une absence d’image de marque auprès des Chinois, estime M. Carneiro. Pour y remédier, une campagne est en cours de lancement sur le thème : « Le Brésil, le pays du café ».

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