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Stratégie gagnante pour la relance d’une marque de chaussures

Par Ren Xiaojin(China Daily) 30-11-2018

Après un dépoussiérage de son image, le produit cousu main de Neiliansheng trouve grâce auprès des jeunes acheteurs.

On juge un homme d’abord à ses chaussures, dit un vieux proverbe pékinois. Aussi démodé qu’il soit, il montre que dans l’ancien temps, les habitants de Pékin accordaient beaucoup de valeur à leurs chaussures.

Cai Wenke, cordonnier en chef de Neilian-sheng, une marque chinoise ancestrale surtout connue pour ses chaussures à « mille épaisseurs » de coton, est persuadé que la plupart des gens à Pékin attachent encore beaucoup d’importance à ce qu’ils portent aux pieds. Il a entrepris de répondre à leur besoin de bonnes chaussures, fort de son expérience de plus d’une décennie déjà consacrée à la maîtrise de la cordonnerie, qui est tout un art.

« J’ai commencé comme vendeur chez Neiliansheng quand j’avais une vingtaine d’années et progressivement, le métier de la cordonnerie m’a beaucoup intéressé. Par exemple, comment fait-on une semelle ? Je me suis rendu compte qu’il fallait au moins 2 000 coutures, quelquefois 4 200, pour en faire une. J’ai demandé au directeur de me laisser apprendre le métier, que je pratique depuis lors ».

Stratégie gagnante pour la relance d’une marque de chaussures

Cai Wenke, cordonnier en chef chez Neiliansheng, au service d’une cliente. [Ren Xiaojin/China Daily]

La fabrication d’une paire de chaussures de coton Neiliansheng faites main nécessite plus de 100 procédures, depuis le dessin jusqu’à la couture en passant par le drapage, explique M. Cai. « Elle exige de la part d’un ouvrier huit heures de travail par jour pendant six jours », dit-il avec fierté, en soulignant que la méthode n’a pas changé depuis plus de 100 ans. « Il nous faut préserver cette tradition et ce patrimoine ».

La chaussure faite main à mille épaisseurs de coton – ce qui est un gonflement très exagéré du chiffre réel de 30 à 40 épaisseurs – était un luxe que seuls les riches et les puissants pouvaient s’offrir. Une paire de chaussures dont la confection requiert au moins 48 heures de travail humain était de toute évidence hors de la portée du commun des mortels.

Mais le recours à la machine dans la fabrication a entraîné une augmentation de la productivité, rendant abordables de nombreuses marques d’articles chaussants très demandées. Ce facteur, ajouté à l’obsession de Neiliansheng pour les chaussures de coton noires et blanches dont la conception de base n’a que peu évolué depuis de nombreuses années, a fait que la marque ne faisait pas partie des griffes de mode dont raffolait la jeune génération de consommateurs.

Toutefois, Neiliansheng a un avenir radieux selon M. Cai, car de nombreuses marques traditionnelles se sont réinventées ces dernières années pour être perçues comme étant recherchées par le public branché. Par exemple, en s’associant dans la conception des produits avec le japonais Mitsui & Co et le suédois Happy Socks, la marque chinoise a internationalisé ses articles et les a rendus attrayants pour les jeunes tout en préservant ses valeurs fondamentales et son savoir-faire artisanal.

C’est ainsi qu’en août, Neiliansheng, en existence depuis 165 ans, a ouvert une boutique éphémère à Sanlitun, un quartier commerçant de Pékin, pour présenter son dernier avatar.

« Ce sont principalement les jeunes qui achètent nos chaussures aujourd’hui », dit M. Cai en mesurant les pieds d’une cliente âgée de 20 ans. Celle-ci explique qu’elle se prépare à partir à l’étranger pour quelque temps et qu’elle fait donc des achats de vêtements et d’articles chaussants. Le fait de porter une paire de chaussures Neiliansheng vraisemblablement introuvables ailleurs lui a paru une riche idée.

Stratégie gagnante pour la relance d’une marque de chaussures

Neiliansheng, en existence depuis 165 ans, a ouvert une boutique éphémère à Sanlitun, un quartier commerçant de Pékin, pour présenter son dernier avatar. [Liu Hongsheng/for China Daily]

Alors que M. Cai faisait une démonstration de son art dans la nouvelle boutique, les passants, impressionnés comme il se doit, ont placé près de 25 commandes en deux après-midis. « Nous nous orientons désormais vers des produits plus en vogue, dans la conception et dans la forme », explique-t-il. « Nous élaborons des produits en commun avec des créateurs d’articles sous propriété intellectuelle tels que les bandes dessinées ».

Cheng Xu, directeur général adjoint de la société, dit espérer que des boutiques éphémères du type de celle qui a été ouverte en août vont dissiper les stéréotypes que les gens associent avec les marques de produits traditionnels faits main.

Selon un rapport publié dans le China Business Herald, les ventes de la marque augmentent de manière constante depuis 2010 et son chiffre d’affaires annuel se maintient au-dessus de 100 millions de yuan (12,6 millions d’euros).

Pour encourager des marques ancestrales telles que Neiliansheng à se réinventer et à résister à la concurrence de fabricants modernes disposant d’une technologie supérieure, plusieurs ministères, dont celui du Commerce, ont émis l’an dernier une directive concernant la promotion d’artisanats, de produits et de technologies uniques à la Chine.

Les produits uniques, les compétences et les concepts de service d’un grand raffinement se transmettent de génération en génération. Ce sont les véhicules de l’esprit artisanal de la Chine et ils sont d’une énorme importance pour l’économie, les marques locales et les valeurs culturelles, indique la directive.

Selon le ministère du Commerce, 1 128 entreprises sont considérées comme des marques traditionnelles chinoises, dont l’ancienneté moyenne est de 140 ans. « Au moins 40% des marques traditionnelles connaissent un bon développement », commente Fang Aiqing, un ancien vice-ministre. « La moitié d’entre elles ont une activité stable et 10% sont en difficulté ».

Le ministère indique que les 788 marques traditionnelles qu’il a examinées ont dégagé l’an dernier un chiffre d’affaires total de 9 billions de yuan, soit 6% de plus que l’année précédente, et leurs bénéfices confondus ont progressé de 20% pour atteindre 765,8 milliards de yuan.

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