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Un même rêve pour deux États : les relations franco-chinoises au 21ème siècle

Par François Géré*(China Daily) 28-09-2018

Un même rêve pour deux États : les relations franco-chinoises au 21ème siècle
François Géré
Si l’on compare la brutalité des événements du 19ème siècle et l’état actuel des relations franco-chinoises on ne peut qu’être frappé de l’apaisement progressif et irréversible qui les caractérise.

En 1964, la reconnaissance de la Chine par le chef de l’État français, le Général de Gaulle, a marqué un tournant décisif. Sans doute y a-t-il eu des accrocs et des tensions liés à Taïwan et au Tibet mais progressivement deux grandes civilisations ont compris que de la reconnaissance mutuelle procédait l’établissement d’une relation apaisée fondée sur des visions et des intérêts communs.

Aujourd’hui, dans les domaines majeurs, la Chine et la France s’accordent sur une même vision. Elles soutiennent une approche multipolaire et multilatérale des relations internationales. Elles privilégient l’ouverture et la liberté des échanges contre le protectionnisme, l’isolationnisme et l’unilatéralisme.

Cela commence par la conscience de la nécessité d’agir ensemble afin de préserver la santé de la planète et la qualité de la vie pour ses habitants. Le Président Xi Jinping, dans son discours du 19ème Congrès du PCC, a souligné la nécessité de promouvoir une

« planète verte » en réduisant les émissions de CO2 et en luttant contre la pollution sous toutes ses formes. La Chine est devenue l’un des piliers du Traité de Paris sur le climat. Les deux pays travaillent ensemble au développement des villes vertes et des technologies de pointe qui contribuent à créer un environnement de qualité pour les citoyens.

Dans le cadre du dialogue stratégique, Pékin et Paris entretiennent une coopération soutenue dans le domaine de la sécurité internationale. Ils luttent contre le terrorisme, la piraterie et le trafic de drogue. Le dialogue militaire prend la forme d’échange de vues sur le maintien de la paix et l’intensification de la diplomatie navale par les visites dans les ports. Une attention particulière est portée à l’Afrique, source de prospérité mais aussi de risques importants dans la Corne orientale de ce continent et dans les régions occidentales (Sahel) où le terrorisme menace les ressortissants et les intérêts des deux pays.

Les relations commerciales font l’objet depuis plusieurs années d’une attention particulière. Pour la France, il s’agit de réduire un lourd déficit de l’ordre de 30 milliards d’euros. Le principe de réciprocité doit prévaloir dans les échanges. Les formalités douanières manquent encore de souplesse en dépit d’efforts récents de part et d’autre. Cela vaut notamment dans le domaine des denrées alimentaires (viandes et fromages). L’encadrement des investissements français en Chine reste très rigoureux et l’assouplissement des règles doit aller dans le sens de la réciprocité afin de favoriser l’implantation en Chine des entreprises de taille moyenne.

Cela suppose aussi une compétitivité accrue des entreprises françaises dont la part de marché en Chine (1,5%) reste très loin derrière l’Allemagne. Les réussites françaises dans le domaine de l’aéronautique, des produits de luxe (parfums, cosmétiques et spiritueux comme le Cognac) doivent être étendues. D’importantes réalisations dans l’industrie nucléaire sont en bonne voie.

Côté chinois, les investissements directs et les achats de biens français ont aussi connu une forte croissance dans de nombreux secteurs (aéroport de Toulouse), y compris le football (Olympique lyonnais). Une plus grande ouverture du marché français doit permettre de faire davantage de manière à accroître le dynamisme en assurant le plein emploi, par exemple dans l’agroalimentaire comme on le constate déjà en Bretagne.

La coopération entre les régions et les villes constitue en effet un moteur pour le commerce et les échanges culturels. La France dispose d’un savoir-faire dans la formation des personnels et le management des entreprises (notamment la santé, l’hôtellerie et la restauration) qui doit permettre de compenser les déficiences structurelles. Les échanges universitaires ont également connu un développement considérable. Les grandes écoles de commerce françaises sont désormais présentes dans les villes chinoises tandis que les laboratoires français reçoivent étudiants et stagiaires chinois pour perfectionner leur formation.

Le tourisme a connu une croissance remarquable ces dernières années. Soutenu par la multiplication des vols réguliers des grandes compagnies, Paris est devenu une destination privilégiée pour les voyageurs chinois. Ceci pose le problème de la sécurité de ces visiteurs comme de tous les ressortissants chinois en France pour laquelle des mesures particulières ont été renforcées.

Enfin, au niveau macro-économique, les deux pays travaillent ensemble à la concrétisation du grand programme de développement des « nouvelles routes de la soie » (One Belt, One Road). Si l’on voit bien l’intérêt qu’il y a à relier directement par voie ferrée les grandes villes chinoises aux métropoles européennes et françaises, l’organisation de ces échanges exige une gestion bien équilibrée. Pour parvenir à l’objectif chinois du « gagnant-gagnant » un important travail logistique reste à faire pour s’assurer que les biens venant de Chine soient équilibrés par un retour de produits français d’une valeur équivalente.

De ce point de vue, les deux pays doivent développer la compréhension mutuelle sur la signification de ce programme. Côté chinois, on raisonne en termes de géoéconomie en considérant le potentiel de prospérité qu’apporteront le développement des infrastructures et la circulation des marchandises. À la clé c’est la création d’emplois et l’entrée dans un nouveau cycle de prospérité succédant à la crise commencée en 2008. Sans rejeter cette conception, les pays occidentaux y voient une ambitieuse manœuvre géopolitique visant à installer la Chine à travers le monde, principalement sur les axes de circulation et les plaques tournantes que sont les détroits, les embouchures, les terminaux portuaires. En France, on pense souvent au plan Marshall qui, tout en favorisant le développement de l’Europe, avait installé la puissance économique et politique des États-Unis et donné à ce pays une forte capacité d’influence durable. Reste que pour la France, One Belt One Road constitue une opportunité considérable pour le développement de vastes zones comme le nord du pays et l’ensemble de sa façade méditerranéenne.

Tous ces domaines offrent de grandes perspectives pour la réalisation d’un rêve commun de paix et de prospérité.

* L’auteur est président de l’Institut Français d’Analyse Stratégique (IFAS) et directeur de recherches à Paris 3 Sorbonne-Nouvelle.

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