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La montée en puissance de la Chine rebat les cartes culturelles de la mondialisation

Par Romano Prodi*(China Daily) 27-07-2018

La montée en puissance de la Chine rebat les cartes culturelles de la mondialisation
Romano Prodi
Malgré les diverses crises qui se font sentir dans de grandes parties du monde, la croissance économique mondiale se maintient autour de 4% et se répartit de façon relativement équitable entre les pays en développement et les pays riches.

À certains égards, il devrait s’agir là d’une tendance rassurante. Mais s’il est un trait qui caractérise notre époque, c’est la déconnexion entre la dynamique économique et l’identité culturelle.

Alors que les dernières décennies ont vu la mondialisation rapide de l’économie (apportant avec elle une inter-connectivité sans précédent), diverses formes de nationalisme se sont fait jour en réaction aux disparités économiques croissantes entre les pays de même qu’à l’intérieur des pays, en réaction aussi à ce qui est perçu par beaucoup comme une homogénéisation culturelle imposée. C’est un sens identitaire profond et grandissant qui s’introduit à l’intérieur même d’un pays, comme c’est le cas de la Catalogne.

Le temps est donc venu de réexaminer l’importance de l’identité culturelle et l’impact qu’elle a sur l’économie politique, la géopolitique et la sécurité.

Certains avocats de la mondialisation font l’erreur de penser que les identités n’existent pas. Ce n’est pas vrai. Même si elles évoluent et s’avèrent complexes, les identités sont réelles et constitutives des sociétés humaines.

Une réflexion sur les identités est absolument nécessaire car elle témoigne des différences qui caractérisent nos diverses interprétations collectives, mais en même temps, on arrive à la conclusion que ces différences ne se heurtent pas nécessairement. Au contraire, les différences devraient être considérées comme une condition préalable à l’harmonie.

La sagesse politique réside dans l’action qui prend note de toutes les nuances entre l’harmonisation et l’homogénéisation ; elle présuppose une compréhension de ce qui fait le caractère unique d’une civilisation et une capacité à l’empathie les uns envers les autres.

La sagesse politique trouve les ressources nécessaires pour éviter à la fois la fiction de « la fin de l’histoire » ou d’un « monde plat » et la voie qui mène à un « conflit des civilisations ».

Certains mondialistes sont gênés de voir que la Chine suit son propre chemin, car ils choisissent d’ignorer les dimensions de l’histoire, de la culture et de l’identité.

Le même sentiment se développe en sens inverse, comme le montrent les plaintes selon lesquelles les États-Unis se comportent selon des valeurs différentes. L’histoire de la Chine n’est pas la même que l’histoire de l’Amérique, et le fait d’être chinois n’est pas la même chose que le fait d’être américain ou européen. Les hauts et les bas dans les relations entre l’Occident et la Chine sont souvent la conséquence d’une non-reconnaissance de la diversité de nos racines et de nos cultures.

Outre les efforts déployés pour prendre en compte les identités, nous devons aussi éviter ce que l’on peut appeler le piège de la supériorité réciproque : être différent ne veut pas dire être supérieur. La sagesse politique est une recherche du compromis et des instruments permettant de faire une priorité du principe d’un dialogue culturel.

Une telle approche est importante pour la survie des démocraties occidentales et elle est également vitale pour la Chine, qui est devenue profondément intégrée au système mondial.

Réévaluer la portée de la culture ne veut pas dire ignorer l’importance de l’économie. On ne peut pas sous-estimer l’existence de la concurrence, voire d’un conflit d’intérêts, mais on ne peut pas non plus oublier que tout différend commercial est structurellement lié à un environnement culturel et à l’angoisse causée par une crise d’identité.

Nous devons avoir pour objectif collectif l’harmonisation de nos différentes identités, qui nous permettra de commercer dans le cadre d’une concurrence inévitable mais sans conflit inutile. C’est la meilleure garantie pour une paix durable.

Nous avons eu l’intelligence de développer nos économies et, ce faisant, nous sommes devenus interdépendants. Ce dont nous avons désormais besoin, c’est de trouver la sagesse de prendre note de nos différences et, par conséquent, d’approfondir nos intérêts légitimes en respectant nos racines et notre histoire.

La différence doit être considérée comme un atout, non un handicap.

* L’auteur est ancien Premier ministre d’Italie et ancien président de la Commission européenne ; il collabore exclusivement à China Watch.

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