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La voie d'échanges à double sens qui menait à la Chine

Par Zhao Xu(China Daily) 27-04-2018

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La voie d'échanges à double sens qui menait à la Chine

Visite d'une exposition sur la Route de la soie au musée de Chengdu en 2017. [Xue Yubin/Xinhua]

Des antiquités et des objets artisanaux retrouvés racontent l'histoire du rôle-charnière de l'ancienne Route de la soie dans l'histoire.

Un homme vêtu d'une longue tunique aux bordures noires, ses cheveux ramassés dans une étoffe noire également, fonce droit devant lui sur un étalon. Sa main droite sur le licou, poussant constamment sa monture, il lève la main gauche dans laquelle il tient un document enroulé qui dépasse de sa large manche.

Le document, probablement écrit sur des lamelles de bambou, devait contenir des messages urgents, car le cheval galope à toute allure, les quatre sabots complètement hors-sol et la queue touffue fouettée à l'horizontale par la force du vent.

Sauf que le cavalier n'a jamais atteint et n'atteindra jamais sa destination. Rendue de manière saisissante par les traits ébauchés sur un morceau de brique datant d'environ 1 800 ans, l'image est censée avoir appartenu à un coursier de la Chine antique. Le lieu de sa découverte, à l'intérieur d'une tombe mise au jour dans la passe de Jiayu, dans la province du Gansu en Chine occidentale, donne à penser que le coursier n'était pas un messager ordinaire, mais un émissaire allant et venant sur la célèbre Route de la soie, où la passe occupe une position stratégique.

En réalité, les coups de pinceau légers, sans trace d'hésitation, et l'impression de spontanéité qui s'en dégage, contredisent la dureté du voyage sur une route qui traversait le continent eurasien, depuis le cœur de la Chine antique jusqu'aux rivages méditerranéens et jusqu'à Rome. Entre deux, la voie passait au milieu de déserts menaçants et de prairies éparses, contournant des montagnes inhospitalières et de profondes dépressions, avant de couvrir la totalité de ses 8 000 kilomètres et après avoir relié en chemin une grande variété de cultures locales qui ont fini par conférer à la Route de la soie toute sa diversité et tout son dynamisme.

Aujourd'hui, le vent du désert contre lequel luttait l'ancien postier hurle encore, mais le défilé des gens qui jadis se déplaçaient à pied et commerçaient le long de la route a depuis longtemps disparu, tandis que les vestiges des villes, les fortifications et les lieux de culte à la construction desquels ils avaient participé sont autant de notes solitaires en bas de page de ce qui devrait être un gros chapitre fortement annoté de l'histoire des échanges humains.

Mais tout n'était pas perdu pour Ge Chengyong, un historien à l'origine d'une exposition tenue dernièrement à Hong Kong et intitulée « Miles upon miles: world heritage along the Silk Road » (Miles après miles : le patrimoine mondial le long de la Route de la soie). Plus de 200 pièces de précieuses antiquités étaient présentées dans cette exposition qui relatait une histoire immensément complexe et infiniment fascinante de l'entreprise et de l'activité humaines.

Un exemple en était offert par un vase argenté haut de pied, retrouvé sur le site d'une tombe dans la région autonome du Ningxia Hui, dans le nord-ouest de la Chine, qui était traversée par l'ancienne Route de la soie. Avec les trois couples de personnages, masculins et féminins, représentés en relief tout autour du corps du vase, la pièce évoque des scènes du récit épique de la Grèce antique, l'Iliade.

À l'évidence, l'échelle de la convergence culturelle va bien au-delà de l'imagination de l'Empereur Wudi, de la dynastie chinoise Han, qui a régné entre 141 et 87 avant notre ère. En 139, Wudi a dépêché un convoi dans le cadre d'une expédition vers l'ouest qui allait finir par ouvrir la Route de la soie.

À l'origine, l'objectif du puissant empereur était d'obtenir une alliance avec le royaume de Dayuezhi, situé dans ce qui est aujourd'hui l'Asie centrale, contre les soldats Xiongnu en maraude. Ces cavaliers, une confédération de nomades eurasiatiques qui a existé entre 300 avant notre ère et 450 de notre ère, approximativement, se sont révélés comme la calamité suprême de Wudi et de ses prédécesseurs comme de ses successeurs. Le convoi était conduit par Zhang Qian, connu en Chine aujourd'hui comme « le creuseur du tunnel des Xiyu » (Xiyu signifie les régions occidentales).

Le tunnel a dû être creusé centimètre par centimètre. L'année de son départ, Zhang a été capturé par les soldats Xiongnu. Il fut maintenu en détention pendant 10 ans avant de parvenir à s'échapper et de poursuivre son voyage vers l'ouest.

Il arriva finalement à Dayuezhi. Bien que sa sollicitation d'une alliance ait été poliment déclinée et qu'il ait été de nouveau capturé par les Xiongnu au cours de son voyage de retour, il réussit à s'échapper une nouvelle fois, pour finir par regagner sa patrie en 126 avant notre ère. Entre 119 et 115 avant notre ère, Zhang Qian s'est lancé dans une deuxième mission à destination de Xiyu, sous les auspices de l'Empereur Wudi, qui était tout autant déterminé à combattre les Xiongnu mais désormais assez avisé pour espérer de meilleurs résultats. Le convoi de Zhang, fort de 300 membres, se mit en route non seulement avec des troupeaux de moutons et de vaches, mais aussi des rouleaux de soie et des sacs pleins de pièces d'or. Ces richesses étaient destinées à impressionner et à conquérir les cœurs et les esprits – avec succès.

Près de 1 000 ans après la mort de Zhang, la soie et les pièces d'or étaient toujours transportées et échangées par ceux qui voyageaient en direction et en provenance du « tunnel », notamment les Sogdiens, les Parthes, les Scythes, les Babyloniens, les Indiens et les anciens Chinois concitoyens de Zhang.

En dehors de la célèbre soie chinoise, un autre article est devenu convoité au point de servir de devise forte sur la Route de la soie : les épices.

« Les épices voyageaient dans le sens opposé à la soie, en provenance du sous-continent indien à destination des grandes villes chinoises », commente M. Ge. « La Route de la soie a connu son âge d'or pendant la dynastie Tang, une période d'immense richesse sociale ».

Autre produit importé en Chine : le vin de vigne, venu des régions vinicoles traditionnelles de la Méditerranée. Avec le vin est arrivé le dieu grec de la vigne Dionysos dont l'image orne le sac sur le dos d'un chameau – thème d'une poterie extraite du sol de Chang'an (aujourd'hui Xi'an), la capitale sous la dynastie Tang.

Rong Xinjiang, professeur d'histoire à l'université de Pékin et l'un des principaux experts chinois concernant l'ancienne Route de la soie, se dit convaincu que dans l'adoption de la culture des épices et de celle du vin de vigne résident en fait deux signes de l'ouverture manifestée par la société chinoise à une époque où elle rayonnait de confiance.

« La Route de la soie n'est pas seulement un canal pour le commerce, et ce qui y était transporté ne devrait jamais être considéré comme de simples marchandises. Culturellement et artistiquement, elle a permis une pollinisation croisée dont les graines ont été répandues partout le long de la route et de son prolongement ».

La voie d'échanges à double sens qui menait à la Chine

Exposition sur la Route de la soie organisée l'an dernier à Xi'an. [Li Yibo/Xinhua]

La voie d'échanges à double sens qui menait à la Chine

Peinture sur brique, découverte dans la province du Gansu, d'un coursier de la Route de la soie au galop sur son cheval. [Provided to China Daily]

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