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Un thé qui vaut son pesant d'or

Par Erik Nilsson(China Daily) 02-09-2016

Un thé qui vaut son pesant d'or
Des étudiants chinois et suisses apprennent à cueillir les bourgeons de thé à Hangzhou. [Li Zhong/For China Daily]

Le thé Longjing est de l'or vert. En réalité, les feuilles de qualité supérieure peuvent valoir plus que le métal précieux.

Un demi-kilo de bourgeons de première qualité se vendait 28 000 dollars (24 920 euros) en mars 2012 alors qu'une quantité d'or équivalente était estimée à 26 680 dollars, selon l'agence China News Service.

Le Longjing de qualité inférieure se vend autour de 1 000 yuan (134 euros) les 500 grammes, mais à quelque prix que ce soit, fort de sa riche tradition, ce thé est devenu un trésor culturel reconnu dans le monde entier.

À Hangzhou, la culture du thé a des racines qui remontent à 1 500 ans. Ses vertus mystiques le rattachent à la méditation bouddhiste Chan depuis des siècles.

L'Empereur Kangxi (1654-1722) a officiellement proclamé le Longjing « thé impérial ». On dit que son petit-fils, l'Empereur Qianlong (1711-1799), a conféré le statut impérial à 18 arbustes dans le village de Longjing, et qu'il en apportait les feuilles pour soulager sa mère souffrante.

C'est sur ces arbres survivants que sont cueillis les bourgeons les plus chers dans le Jardin de thé impérial du terroir. Ils se dressent près du puits dont Longjing est l'éponyme, qui se traduit par le Puits du Dragon. L'appellation provient d'une vieille légende selon laquelle le puits conduisait à la tanière d'un dragon, puisqu'il retenait la seule eau de source pendant les périodes de sécheresse.

Cette histoire, ou du moins la coutume, enchante aujourd'hui les visiteurs attirés par l'héritage que cultive Longjing.

Boisée, la Rue Longjing menant au jardin est bordée de plantations et parsemée de maisons de thé telles que Longyue. Les champs de thé rapportent 30 000 yuan par an, et la maison de thé, qui fonctionne aussi comme restaurant de campagne, 20 000 yuan à leurs propriétaires, des gens âgés. « Nous vivons bien », dit Qi Yuzhen, 78 ans. « Nous n'avons pas de soucis financiers ».

Les visiteurs viennent du monde entier, dit son époux Li Rongtu, 85 ans. « Ils viennent à Longjing pour vivre une expérience ».

Des établissements comme Longyue offrent cependant un aperçu de la vie des cultivateurs de Longjing plutôt que de la haute culture infusée par son thé. L'expérience est plus rustique que raffinée. Ici, pas de cérémonies accompagnant des bandes son d'anciennes musiques instrumentales et célébrées par des hôtes spécialisés en costume traditionnel. Pour les trouver, il faut aller en ville, dans les maisons situées le long des rives du lac Ouest, où la tasse de thé la moins chère coûte des centaines de yuan, contre 15 yuan à Longyue.

Longyue s'étend de chaque côté de la route qui relie le jardin au Musée national chinois du thé, l'artère principale empruntée par les touristes qui veulent contempler les champs de thé, voir comment il est produit et participer à des cueillettes. Au musée, les visiteurs peuvent s'instruire sur les dimensions sociales et scientifiques de la boisson, dont témoignent des vestiges des premiers temps et des exemples de la recherche la plus récente.

Le musée rend compte de l'évolution qui a vu la consommation de thé naître dans les jungles du sud-ouest de la Chine comme mixture thérapeutique pour devenir la boisson de choix des amateurs sophistiqués et, au final, le breuvage le plus bu au monde après l'eau.

Cette internationalisation se constate dans le centre-ville de Hangzhou où Martin Gamache, un Canadien, a dernièrement acheté quatre boîtes de Longjing pour les offrir à ses hôtes lors de son prochain voyage au Japon, et une autre pour lui-même. « Je crois qu'ils apprécieront », dit-il.

Le propriétaire de la boutique, Fan Shenghua, est un héritier, au niveau provincial, de l'art de frire les feuilles de Longjing. Le procédé arrête l'oxydation qui intervient peu après la récolte, maintenant ainsi de manière étanche la magie botanique à l'intérieur.

Cette technique a été inscrite sur la liste du patrimoine culturel intangible au niveau national en 2008. Âgé de 56 ans, M. Fan la pratique depuis l'âge de 14 ans et aspire à atteindre le niveau national d'ici à ce qu'il ait 60 ans et droit à une pension.

Les certificats et les trophées de concours partagent les étagères de la boutique avec les boîtes de Longjing. Sur les paquets sont imprimés des codes de réponse rapide qui conduisent les consommateurs à un site Web où un code d'authentification à 11 chiffres leur donne accès à l'information sur la ferme productrice. À Hangzhou, la technologie a rendez-vous avec la tradition à l'heure du thé.

La famille Fan cultive et produit du Longjing depuis des décennies. Les cours de friture de feuilles de thé sont obligatoires pour les scolaires dans son village natal de Tongwu.

Fan Shenghua a enseigné un cours facultatif. « Seuls deux étudiants s'étaient inscrits. L'un des deux avait du talent, mais il a décidé de ne pas en faire son métier. La plus grande difficulté consiste à trouver des jeunes apprentis », explique-t-il.

Il montre une photo de ses mains, dont la peau rougie pèle après des heures de malaxation des feuilles brûlantes dans des bassines métalliques. « Ce n'est pas drôle », dit-il. « C'est un dur labeur ». Mais un labeur qui assure la qualité. « C'est le palais des gens qui détermine si le Longjing fait main vaut plus cher. Il est facile de voir s'il a été fait à la machine, parce qu'il flotte plus longtemps dans l'eau ».

M. Fan indique que son métier lui rapporte 500 000 yuan par an. Il a appris la technique à son fils de 23 ans dont il espère qu'il en fera sa carrière. « Mon fils étudie le tourisme à l'université, mais il faut qu'il se mette à la production de thé. C'est une tradition. Il nous faut la transmettre. Pour autant, les jeunes ont leurs propres idées ».

Un pacte a été conclu. Après l'université, le fils pourra faire ce qu'il voudra pendant deux ans, ne revenant à la ferme que pour la saison de fabrication du Longjing à la main qui dure un mois au printemps. « Il lui faudra alors prendre une décision », dit le père. « S'il peut frire mieux que moi, il vivra mieux que moi ».

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