US EUROPE AFRICA ASIA

La sidérurgie chinoise a plus d'un fer au feu

Par Zhong Nan, Liu Mingtai, Yang Ziman et Fu Jing(China Daily) 24-06-2016

8.03K

La sidérurgie chinoise a plus d'un fer au feu

Dans un contexte de protectionnisme en Europe et aux États-Unis, de surcapacité et de faible rentabilité, l'industrie chinoise du fer et de l'acier trouve des solutions pour se maintenir à niveau.

Après plus de deux décennies de croissance ininterrompue à l'exportation et l'explosion de la construction de logements dans le pays, la sidérurgie chinoise est parvenue à la croisée des chemins. Elle est aujourd'hui confrontée à de nombreux défis, notamment à une faible rentabilité, à une surcapacité de production et aux efforts déployés par les producteurs en dehors de la Chine pour conserver leurs effectifs salariés.

Le pays va continuer à tailler dans la surcapacité et à réaménager la structure de production de l'industrie, indiquent les responsables, pour aider les fabricants, tant nationaux que mondiaux, à sortir de l'ornière, même si les prix ont accusé une forte remontée au cours des deux derniers mois.

Cette envolée est due à l'augmentation des prix du minerai de fer sur les marchés mondiaux, précise Shen Danyang, porte-parole du ministère du Commerce. L'augmentation de l'activité dans le secteur des infrastructures stimule aussi la demande tant intérieure que mondiale en produits sidérurgiques.

Le porte-parole a fait ces remarques à la suite des informations de la presse internationale selon lesquelles les prix mondiaux de l'acier avaient en moyenne progressé pour passer de 305 dollars (268 euros) la tonne métrique au début de l'année à 365 dollars en avril, la Chine ayant réduit de 150 à 200 millions de tonnes sa production d'acier et de fer pour lutter contre la surcapacité.

« Dans une optique internationale, parallèlement à la reprise progressive de l'économie mondiale, la demande en acier est en hausse », a déclaré M. Shen. « En outre, l'augmentation des prix du minerai de fer fait monter le coût des produits sidérurgiques. Les projets d'infrastructures de la Chine alimentent apparemment la demande en acier de la part des utilisateurs nationaux ».

La Chine vise à réduire sa production d'acier brut de 100 à 150 millions de tonnes au cours des cinq prochaines années. Elle encourage par ailleurs les producteurs à travailler avec les consommateurs en aval pour promouvoir l'usage de produits sidérurgiques de haute qualité dans divers secteurs, depuis la construction automobile et la mécanique jusqu'au matériel électrique et aux équipements de génie civil en milieu maritime.

Le mois dernier, l'Ansteel Group, basé dans la province du Liaoning, a ouvert une nouvelle usine sidérurgique pour fournir des produits haut de gamme destinés aux constructeurs automobiles et aux fabricants d'appareils ménagers, s'orientant ainsi vers une amélioration de l'offre face à une production sidérurgique bas de gamme excédentaire et donc à une faible demande. La nouvelle usine de Guangzhou, dans la province du Guangdong, fait partie d'une initiative commune qu'Ansteel a formée avec Guangzhou Automobile Group Co et ThyssenKrupp AG pour exploiter la demande en acier des constructeurs auto.

La première phase de l'usine, qui a coûté 1,5 milliards de yuan (201 millions d'euros), est destinée à produire chaque année 450 000 tonnes de tôles d'acier utilisées dans les véhicules et les appareils ménagers de haute qualité.

« Le delta de la rivière des Perles en Chine méridionale est une base de fabrication importante dans les domaines de l'automobile et des appareils ménagers », explique Yao Lin, le vice-président d'Ansteel. « L'établissement d'une présence à Guangzhou nous permet de mettre nos produits sidérurgiques à disposition d'un grand nombre d'acheteurs parmi les plus importants du pays. Comme de nombreux aciéristes nationaux recherchent des moyens d'élargir leurs canaux d'exportation face à la faiblesse de la demande sur le marché mondial, nous devons nous concentrer plus étroitement sur la demande intérieure et des stratégies de localisation dans les bases manufacturières de la Chine telles que le delta de la rivière des Perles et le delta du Yangtsé ».

Depuis trois ans, Ansteel investit dans un programme de formation de spécialistes des ventes à l'Université des sciences et techniques du Liaoning à Anshan, précise M. Yao.

Zhao Ying, chercheur à l'Institut d'économie industrielle de l'Académie chinoise des sciences sociales à Pékin, explique que « la Chine est grosse exportatrice d'acier et grande importatrice d'acier spécial utilisé dans la construction navale, l'armement, l'industrie automobile et la mécanique. Or, les prix de l'acier importé sont en moyenne trois fois supérieurs à ceux de l'acier exporté ».

Sun Jin, directeur de la communication au sein du groupe Wuhan Iron and Steel, l'un des plus gros producteurs de fer en Chine, fait savoir que si l'entreprise a annoncé il y a deux mois des réductions d'effectifs pouvant aller jusqu'à la suppression de 50 000 postes, elle n'a jusqu'à présent procédé à aucun licenciement ni aucune baisse salariale.

« L'entreprise recherche simplement une optimisation des ressources en main d'œuvre, une réduction des coûts relatifs aux ressources humaines et une amélioration de la productivité. Nous assurons toujours aux ouvriers un salaire de base et une couverture sociale. Ils travaillent simplement ailleurs » dans la société.

Pour assurer sa survie, Wuhan Iron and Steel a fait de ses activités non sidérurgiques ses principales sources de revenu, qu'il s'agisse des nouveaux matériaux, des ressources énergétiques, de l'ingénierie et des technologies de l'information, de la logistique ou des secteurs de services modernes. En 2013, les produits d'exploitation générés par ces nouvelles activités représentaient 30% de l'ensemble du groupe ; ils en fournissent aujourd'hui plus de 50%.

« Du temps de l'économie planifiée, nous utilisions ces affaires pour économiser de l'argent », commente M. Sun. « Désormais, nous nous appuyons sur elles pour gagner de l'argent ». Selon lui, les seconds rôles sont appelés à jouer les premiers rôles jusqu'à nouvel ordre, le temps de permettre à l'industrie sidérurgique de se restructurer.

Mei Yun, un représentant du groupe, affirme que dans ses pratiques commerciales internationales, Wuhan Iron & Steel a toujours respecté les principes de l'Organisation mondiale du commerce, à savoir l'équité, la transparence et la réciprocité. « Nous ne pratiquons pas le dumping et nous y sommes opposés. Nous adoptons une attitude volontariste dans les actions antidumping engagées au niveau international auxquelles nous sommes mêlés. L'entreprise a gagné un certain nombre de procès à cet égard ».

Les exportations d'acier compétitives de la Chine ont provoqué une mise en garde adressée à l'Union européenne contre d'éventuelles mesures protectionnistes.

Pour Rolf Langhammer, vice-président du Kiel Institute for the World Economy de 1997 à 2012, le règlement des divergences concernant l'acier « réside pour une très grande part dans le fait de savoir si l'Union européenne est prête à intensifier les négociations avec la Chine et ses entreprises sur les pratiques de référence en matière de comptabilité et d'évaluation des coûts ».

Évoquant les consultations dans le cadre du conflit sur les panneaux solaires en 2012-2013, M. Langhammer, toujours professeur à Kiel, rappelle que le passé contient des exemples où des entreprises chinoises ont collaboré de manière constructive avec la Commission européenne et ainsi évité l'imposition de droits antidumping sur leurs exportations. « Ce serait une bonne façon de procéder », estime-t-il.

Le Professeur Langhammer soutient que la relation sino-germanique profiterait beaucoup de l'adoption d'une politique claire selon laquelle Pékin s'abstiendrait de toutes mesures de subvention faussant le commerce en faveur de ses usines sidérurgiques.

Le gouvernement chinois a indiqué que 500 000 ouvriers du secteur sidérurgique étaient appelés à perdre leur emploi dans le cadre de l'action menée pour réduire la surcapacité de production. Il va débloquer 100 milliards de yuan pour les aider à se recycler et retrouver un emploi.

Selon l'Association chinoise du fer et de l'acier, la capacité de production nationale d'acier brut a été réduite de 77,8 millions de tonnes métriques depuis 2011, et de nouvelles compressions sont prévues.

« Cette année, le gouvernement va intensifier ses efforts pour aider les aciéries non rentables à se retirer du marché », a indiqué Zhao Chenxin, porte-parole de la Commission nationale du développement et de la réforme, ajoutant que les actions visant à réduire la surcapacité seront mises en œuvre dès que les collectivités locales auront parachevé leurs plans de réduction des capacités et les auront soumis au gouvernement central.

La sidérurgie chinoise a plus d'un fer au feu
Un travaileur examine des tiges d'acier dans une usine à Dalian du Liaoning. [Liu debin/pour China Daily]

Ce site est produit par le China Daily de la République populaire de Chine.