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Le marché du luxe face à une clientèle plus exigeante

Par Xu Junqian(China Daily) 24-03-2016

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Le marché du luxe face à une clientèle plus exigeante
Source : Fortune Character Institute [Su Jingbo et Ma Xuejing/China Daily]

Les Chinois achètent des articles de mode dans le monde entier, et les maisons locales font leur marché en quête de marques pour se développer.

Malgré des pertes en 2015 pour la deuxième année consécutive, les distributeurs, les investisseurs et les spécialistes du secteur misent sur l'avenir prometteur de l'industrie du luxe chinoise, portée par la dynamique d'une croissance à deux chiffres au cours des dernières années.

Une étude du Fortune Character Institute, qui a des bureaux à Shanghai, à Londres et dans le Connecticut aux États-Unis, semble confirmer cet optimisme. L'an dernier, les consommateurs chinois ont acheté 46% des produits de luxe vendus dans le monde entier, dont 78% ont été acquis hors de Chine.

Les acheteurs chinois d'articles de haute couture et de produits de luxe deviennent aussi de plus en plus exigeants. Une marque trop facilement disponible ou trop visible, ce n'est pas pour eux. En achetant et en encourageant ce qui se fait de mieux parmi les marques de luxe existantes, ils se font créateurs de tendances.

Cherchant à voguer sur la vague montante du souci de la mode qu'ont acquis les consommateurs chinois, le Shandong Ruyi Group, l'un des grands producteurs de textiles en Chine, aurait rejoint la liste des candidats à la reprise du groupe français de prêt-à-porter SMCP, indiquait l'agence Bloomberg en janvier dernier. Ce mois-ci, l'agence Reuters a cité des sources selon lesquelles les pourparlers n'avaient pas abouti mais qu'un accord n'était pas encore tout à fait exclu.

Le groupe SMCP est évalué à plus d'un milliard de dollars (914,1 millions d'euros). Il détient des marques de luxe abordables telles que Maje et Sandro, dont le succès parmi la classe moyenne grandissante en Chine s'est affirmé au cours des dernières années.

Le Shandong Ruyi Group figure parmi les quatre premières des 500 grandes entreprises textiles en Chine et a affiché un revenu record de 30 milliards de yuan (4,2 milliards d'euros) en 2013. Il s'est refusé à tout commentaire concernant l'intérêt qu'on lui prête au sujet du rachat de SMCP.

Une telle acquisition « ne serait qu'une goutte d'eau dans l'océan, car les Chinois gravissent rapidement les échelons vers le sommet de l'industrie du luxe », affirme le directeur du Fortune Character Institute, Zhou Ting. « Le marché (du luxe) reste l'un des plus lucratifs pour le moment et (le restera) pour la prochaine décennie. Ce qui signifie que si les sociétés et les investisseurs chinois en veulent une part, ils devront être plus activement présents dans chaque maillon de la chaîne logistique, depuis la conception et la fabrication jusqu'à la commercialisation et la distribution ».

Les choses sont allées dans ce sens dernièrement. Par exemple, Vipshop Holdings, l'enseigne chinoise de mode en ligne lancée localement et connue pour sa politique de rabais, a investi plusieurs millions de livres sterling en novembre dernier pour prendre une participation minoritaire dans la maison de mode britannique BrandAlley, en vue de présenter un plus grand nombre de marques britanniques en Chine.

Un mois auparavant, son concurrent Secoo.com avait défrayé la chronique en ouvrant le premier magasin basé sur un mode transfrontalier à la Piazza del Duomo, l'un des quartiers commerçants les plus fréquentés de Milan.

Li Rixue, fondateur et directeur général de Secoo.com, a créé le site Web à Beijing il y a sept ans. Il voit dans le magasin de Milan un élément du « plan décennal de mondialisation de la société ». Les professionnels du secteur estiment que l'expansion agressive de Secoo.com relève d'une stratégie visant à cibler les touristes chinois qui dépensent beaucoup d'argent en Europe.

Zhou Ting explique que c'est probablement ce que les Chinois achètent, où et comment ils achètent qui déterminera où sera injecté l'argent des investisseurs chinois, et sans doute des investisseurs mondiaux.

Pour Michele Alberti, président directeur général de Luxemporium Investments SA, une compagnie d'import-export de prêt-à-porter basée en Suisse, qui compte comme co-investisseur le Shanghai Spring Bamboo Group, premier fabricant local de laine et de cachemire, les consommateurs chinois deviennent plus avisés. Mais il n'y a pas lieu de les distinguer et de les traiter comme s'ils étaient une race différente.

« Il convient de ne plus considérer les consommateurs chinois comme une clientèle à part », estime M. Alberti, qui a exercé des responsabilités directoriales dans de grandes sociétés de luxe telles que Bally et Salvatore Ferragamo. « On me demande toujours ce qui distingue le plus les Chinois des autres consommateurs. Je pense que (c'est le fait) qu'ils ressemblent de plus en plus aux consommateurs des autres pays, sinon qu'ils montrent le chemin à l'industrie ».

Michele Alberti a rejoint Luxemporium en 2014 et joué un rôle clé dans l'ouverture du premier espace multimarques dans le grand magasin Friendship Department Store de Tianjin en janvier dernier. Situé au premier étage, le magasin Luxemporium de 3 000 mètres carrés offre une large gamme de chaussures, de sacs et d'accessoires de plus de 80 marques différentes, dont quelques-unes sont des marques de créateurs parmi les plus recherchées, telles que 3.1 Phillip Lim, Charlotte Olympia et Sophie Hulme.

Selon M. Alberti, un tiers d'entre elles sont des marques de créateurs qui deviennent très demandées en Chine et ailleurs. « Cela se passe partout, particulièrement en Chine… Même les plus riches associent des vêtements H&M ou Zara à des sacs et des chaussures beaucoup plus chers et plus chics. Les gens recherchent le style plutôt que l'affirmation de soi ».

Au cours de la prochaine décennie, la société prévoit d'ouvrir au moins une boutique par an en Chine, un pays dont l'industrie du luxe « ne décline pas, mais évolue », affirme Michele Alberti. Son équipe d'acheteurs expérimentés à Milan contribuera à la sélection des marques destinées aux points de vente en Chine.

Pour le PDG, « (malgré le ralentissement économique), les gens achètent encore et achètent beaucoup (en Chine). C'est juste qu'ils n'achètent pas ce qu'ils avaient l'habitude d'acheter ». L'expansion de Luxemporium, principalement dans des villes de deuxième et de troisième catégorie, est susceptible de combler le creux que la fermeture de magasins d'autres grandes marques a laissé dans le commerce du luxe en Chine, estime M. Alberti.

Zhang Jie, PDG de la Luxemporium International Trading (Shanghai) Co, l'antenne locale de la firme suisse, fait savoir qu'un projet ambitieux est en train de prendre forme : « Luxemporium ne s'adresse pas seulement aux clients chinois. La Chine est le point de départ mais nous voulons être présents dans d'autres pays, en Asie, en Europe et en Amérique ».

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